jeudi 24 mai 2012

Mémoires d’un Carré, histoire d’un quartier

Genèse du projet



Un lieu : Dans le 10e arrondissement, à quelques pas du boulevard Magenta, non loin de la gare de l’Est, se trouvent une partie des bâtiments de la prison Saint Lazare où furent incarcérées au 19e siècle des prisonnières de droit commun ou des prisonnières politiques. Ce lieu garde la trace d’un Paris populaire, social, politique, littéraire : des enfants abandonnés recueillis par saint Vincent de Paul au 17e siècle, en passant par le poète André Chénier, (qui incarcéré pendant la Révolution y écrivit La Jeune Captive), ou le Marquis de Sade, mais aussi, au 19e siècle, par les communardes, telles Louise Michel, ou par des figures romanesques, comme Mata Hari, l’espionne ou Marthe Hanau, la fameuse « banquière »… 

Travailler dans un tel lieu, ou habiter auprès de lui, ne peut laisser indifférent.  Nous avons donc souhaité raconter cette histoire, à notre manière.
Des habitant-e-s engagé-e-s : Situé au cœur de trois jardins, longé par une ruelle aux allures du Paris d’autrefois, et à l’écart de la circulation intense du boulevard, le carré saint Lazare est occupé aujourd’hui par un centre social, Le Paris des faubourgs, une crèche, une école maternelle, et bientôt par un gymnase et une médiathèque. Le centre social, des habitants, des associations du quartier, un collège … ont entrepris de réveiller les Mémoires d’un Carré.

Grâce aux amoureux du 10e, réunis dans l’association Histoire et vies du 10e, grâce à Frédéric Jimeno, Docteur en histoire de l’art, Comité historique de la Ville de Paris à La Bibliothèque historique de la Ville de Paris, à Sylvie Scherer, ancienne élue du 10e, qui contribua à faire que ce site soit un lieu de vie sociale, aux enseignants du collège Bernard Palissy, nous évoquons la grande Histoire de notre quartier, et celle de ses habitants. Grâce à la Maison des Jeunes Saint-Vincent de Paul, qui à travers une exposition autour de Monsieur Legentil, raconte la naissance du quartier Franz Liszt et une part de l’histoire du « social » dont nous sommes aujourd’hui les héritiers.
Les adhérent-e-s du centre, les associations partenaires, telles la Compagnie Permis de construire, les vidéastes de l’association Les Matins clairs, l’orchestre Senza Sordini, les habitants du quartier expriment quant à eux  leur vision poétique de cette histoire.

C’est ainsi que sont nés le spectacle : La Nuit tombera à côté de nous, une traversée de l’espace de la prison, ce qui en existe encore et ce qui a disparu,  Le Fantôme de Saint-Lazare, qui avec drôlerie dit le passage d’un espace de contrainte à un espace de liberté et d’invention. Une exposition de photographies, Terres promises, mêle dans l’ombre et la lumière la trace des danseurs d’aujourd’hui à celles des passagers des temps anciens… Le Conseil des Seniors se transformera en chanteurs de rues pour évoquer « Saint-Lago », dans le Paris de Bruant…  Et les plus jeunes fabriqueront du pain en mémoire d’un quartier où dès le 12e siècle on parlait de la générosité des boulangers au Moyen Age et des siècles plus tard, de la boulangerie qui était située dans la prison même. Les Matins clairs capteront théâtre, chorale et danse et restitueront plus tard, l’histoire du site et de ce projet.                                                                                               

Lettres de détenues

Lecture jeudi 7 juin, à 18h30


Une importante correspondance s’est tenue entre les détenues, leurs familles, leurs proches, mais aussi l’administration.

De cette correspondance, il reste diverses traces, dont des lettres que nous avons pu consulter à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

Jeudi 7 juin, Clémence Roy et Lamia Kadid nous donnerons lecture de quelques extraits.

Quelques signatures d’une lettre envoyée par plusieurs détenues protestant  contre leurs conditions de détention.



mercredi 23 mai 2012

La future médiathèque du carré Saint-Lazare



Le carré Saint-Lazare n’a pas tout à fait terminé sa métamorphose.

Une médiathèque de plus de 3 000 m² sur le site de l’ancien hôpital Saint-Lazare occupera le bâtiment principal du carré historique et les deux ailes.

Elle ouvrira au premier semestre 2014.

Cette médiathèque de 100 000 livres, CD, DVD pour adultes et jeunes accueillera également les collections patrimoniales de la première bibliothèque jeunesse, l’Heure joyeuse, qui fût créée au tout début du 20e siècle.



Henriette Vagner  habitante et auteure du  quartier très impliquée dans la vie de celui-ci, nous fera le plaisir de venir lire un texte écrit pas elle-même, présentant le Carré Saint-Lazare,
Jeudi 7 juin à 18h30

Carré St Lazare
    Lorsqu'on attend plus ou moins patiemment au bord de la chaussée, que la vague déferlante de véhicules stoppe au feu rouge, que l'on foule les trottoirs d'un carrefour bruyant et encombré, avant de s'aventurer boulevard Magenta, dans un dédale de petites rues aux noms surprenants, ou avant de pénétrer dans un quadrilatère de bâtiments récents abritant bureaux, locaux et logements, l'on se régale quelque peu d'un sandwich sur un banc du square Satragne. Est-ce que là ? , entre un monsieur somnolent et une mère présentant le biberon à son marmot, on se laisse aller à réfléchir, à se dire, mais comment était-ce dans le temps? Avant ces nouvelles constructions, cette ancienne façade au fond du jardin, qu'a-t-elle à nous dire ?
Ce sol bien stable que l'on arpente, les pieds à l'aise, chaussés de sandales ou d'escarpins, comment était-il avant ?  "Avant" vaste question !
- Et bien oublions remblais, pierres et bitume …
- On sait qu'au début de notre monde, la mer étalée chez nous et au delà, s'est retirée petit à petit et, à l'époque préhistorique, a fait place à un fleuve démesuré : "La Seine primitive" dont les larges méandres, rive droite, sillonnaient de la République aux Champs Élysées, mouillaient les pieds des Buttes de Belleville et Montmartre, rive gauche on s'enlisait, à cœur joie, dans les marécages. Puis le fleuve s'est ralenti, raccourci et finalement jeté dans le lit de son ancien affluent : " La Bièvre".
La région détrempée, malsaine et inculte, fut colonisée par les religieux.
- En l'an 500, l'église St Laurent, fondée sur un monceau de graviers, se vit,  en 886, incendiée, mais non anéantie, par les envahisseurs Normands.
- En 1100, les romains établirent deux chaussées pour traverser ces contrées humides, l'une menait vers Senlis et les Flandres, notre rue et faubourg St Martin, l'autre la route de Rouen, notre rue et faubourg St Denis, itinéraire menant à la Basilique du même nom. La population regroupée autour de l'église St Laurent forma " la ville St Laurent".
- En 1110,  le territoire appartenait à l'Évêché.
- En 1122, installation d'une léproserie sur la route St Denis, vu le fléau de la lèpre rapportée des croisades. La léproserie St Lazare, du nom du lépreux dans l'évangile de St Luc, est une institution hospitalière: "l'Ordre de St Lazare", vivant de donations et de grands privilèges royaux. On bâtit l'église St Lazare juste en face, c'est le début du "Carré St Lazare".
- En 1146, Louis VII fit construire en bordure de la rue St Denis le "Logis Royal auprès de la léproserie pour y faire halte, la route St Denis devient "Voie Royale", les entrées solennelles des rois de France se faisaient par la porte St Denis. La protection et les largesses royales furent infinies : viandes, vins, blé, bois … On note que les boulangers par "tradition étaient très généreux.
 
    En forçant un peu son imagination, on peut entrevoir une vaste ferme s'étendant à coté de l'hôpital, s'agrandissant jusqu'à occuper plus de 50 hectares. La "Ferme St Lazare", dont une petite rue garde le nom, dans ce plus grand enclos religieux de Paris, on cultivait vigne, blé, arbres fruitiers, outre une mare un colombier, des moulins, celliers, granges qui emmagasinaient diverses récoltes. La léproserie captait les eaux de Romainville et du Pré St Gervais par un aqueduc,  elles alimentèrent la première fontaine des Halles sous Philippe Auguste.
- Rien de bien surprenant que la "Léproserie St Lazare", rapportant des gros sous, devienne une puissance économique. Un prieur est nommé avec sœurs et frères soignants: "l'Ordre St Lazare". Ces bâtiments formant un U ou un carré, étaient basés le long d'un jardin immense : le jardin des "Messieurs de St Lazare".
 
    Entre les murs de la léproserie, se tenait une foire (foire Ladre ou St Lazare) qui prit une extension en 1137, elle durait 8 jours puis 15 en 1166 avec redevance annuelle au Roi.
- En 1181, Philippe Auguste acquit la foire pour la transporter dans Paris au lieu-dit "Petits Champs", ce fut l'origine des Halles centrales. Plus tard, les lazaristes créèrent la foire St Laurent en août qui perdura jusque sous Louis XV.
De 1226 à 1349, s'éleva le "Prieuré Royal" près de la rue St Denis : "Les Filles Dieu" où l'on installa des pécheresses repenties. La léproserie déclina, le fléau de la lèpre ayant régressé.
En 1360, ce couvent  s'installa à la hauteur des 223 et 239 de la rue St Denis actuelle.
- Ayant fait aménager les Halles de Champeaux, Philippe Auguste fît construire  d'autres axes  verticaux dont la future rue Poissonnière, par là arrivait le poisson des portes de la mer du Nord  à la rue Montorgueil. Puis naquirent des axes transversaux, le premier partant de la maladrerie St Lazare.
    Faisons un saut dans l'histoire.
- En 1517, les lazaristes reçoivent des "retraites forcées", des fils de familles ayant une mauvaise conduite.
- De 1632 à 1662, c'est un collège de bons enfants, hôpital, séminaire, retraite, correction et un bâtiment pour les enfants trouvés qui voit le jour aux 94 et 114 rue St Denis, et où s'installèrent, à perpétuité, les sœurs grises de charité, face au "Carré St Lazare".
Et dans la lancée …
- En 1670, un grand axe arboré se crée : " Les Grands Boulevards" !
- De 1672-74 à 1697, de nouveaux bâtiments bordent la rue St Denis, on élève les portes St Denis et St Martin. Les lazaristes et Filles Dieu vendent des parcelles.
- De 1784 à 1790, construction du mur des "Fermiers généraux", création de l'octroi, impôt sur les marchandises venant des villages entourant Paris. En 1859 Napoléon III annexera ces communes à la capitale.
- Précisons avec délicatesse qu'en 1785, Mr de Beaumarchais interne à la maison de correction pour délit de Presse, le fameux "Figaro" a reçu la fessée en entrant, le "chat à neuf queues" était de rigueur comme accueil.
- D'abord prison pour hommes et femmes, la prison fut affectée aux femmes uniquement en 1794, date à laquelle les lazaristes quittèrent le carré après le pillage et le saccage des 13 et 14 juillet 1789, à la Révolution.
- En 1794, les biens deviennent laïcs.
- En 1811, des dépendances sont vendues en biens nationaux.
- En mai 1822, l'immense enclos St Lazare est percé de rues par ordonnance de Louis XVIII, les bâtiments sont séparés par les rues environnantes.
- En 1828, l'église St Lazare est détruite.
- De 1850 à 1859, réorganisation des arrondissements, le cinquième devient le dixième.
- En 1850, dans la prison on sépare les femmes : "droit commun", "filles publiques",  les saines, les malades, "pistolières" (celles-ci logées à leur frais), "mœurs". Il y séjourna chacune en leur temps : Mme Briard maîtresse de Victor Hugo, Louise Michel communarde, Mme Caillaux, Mata Hari … La prison disparut en 1935, ainsi que d'autres corps de logis. Ne subsistent, aujourd'hui, que l'infirmerie et la chapelle.

    Et du banc où l'on vient de rêver un moment au square Satragne, on peut voir au fond les restes du vieil hôpital.
- Et puis se dire qu'au fil du temps, autour et alentours ce quartier du "Carré St Lazare", après avoir été brillant, animé, artistique, industriel, est devenu très commercial.
- Après tout, ce n'est pas si mal.


Henriette VAGNER
Le Fantôme de Saint-Lazare

Mercredi 6 juin à 16h30
suivi d’une distribution de pain fait par les enfants et de quelques lectures de lettres de prisonnières

Jeudi 7 juin à 18h30
 suivi de lectures de textes : Henriette Vagner, habitante du quartier, Evine, lecture d’un texte écrit par une prisonnière iranienne, dans la prison d’Evine, à Téhéran, et divers écrits de prisonnières de Saint-Lazare

Le Fantôme de Saint-Lazare est un joli voyage dans le temps. La pièce est écrite et jouée par des participant-e-s à un atelier de français du Pari’s des faubourgs. Cette courte fantaisie raconte avec drôlerie l’histoire du site entremêlée à celle de ses adhérents. Entre rêverie, mémoire et humour.

Ce sera un moment à ne pas manquer sous peine d’emprisonnement !